The Living Library #6: Hélène Sanguinetti, “Et voici la chanson” (Éditions Lurlure, 2021) et “Domaine des englués” (La Lettre volée, 2017)
← HomeLundi 24 avril 2023, Audi erg, rue du Page, 87, 1050 Bruxelles, à 18h30
Hélène Sanguinetti nous a parlé de l’origine de son écriture, de son contexte familial où régnait la beauté et où elle a appris à lire jeune, à donner au texte un corps et à le mettre debout ; mais l’enfance était aussi la lumière du Sud et le vent de Marseille, et avant tout, nager dans la mer. Toute une puissance d’exister qui continue de l’habiter. Hélène en tire quelque chose d’athlétique, où le poème devient une tentative musclée de liberté, une respiration contre la prison de la vie et du monde. Le poème exprime à quel point l’auteure accueille le monde comme jus, mais aussi à quel point le monde la traverse. Écrire pour Hélène Sanguinetti, c’est se laisser traverser comme une possibilité de se lancer dans l’inconnu, et d’affronter ainsi tout un peuple à l’intérieur d’elle-même. Ou encore, écrire, c’est accueillir la vie dans son ambivalence entre joie et souffrance, accueillir ce couple inséparable qui mène nos vies et dont le poème se charge. Et même si le poème naît parfois au milieu de la prison ou la tristesse, le focus de la poésie est sur la joie. La poésie doit se rallier au combat d’exister et lutter pour extraire la joie, à l’aide d’une parole électrique qui écrit l’auteure à son insu, une parole instinctive et sauvage qui répond à un stimulus de la vie. Le poème devient l’usine de transformation de la vie, proche de la résurrection. Il cherche les sensations dans leur jaillissement et se déploie comme un labyrinthe d’affects contre le sens.
Argument
Affirmer la puissance d’exister porte en elle une formidable joie. « Je m’en suis fait un bandeau de front » (Domaine des englués), Existar por existar » (Et voici la chanson), ainsi que joie et faim, semblent être les trois sommets du triangle du poème tel que le vit aujourd’hui Hélène Sanguinetti. Comme si — affirmer la vie, malgré — était finalement devenu, dans la trajectoire de ses livres précédents, sa seule raison d’écrire. Comment donc ses deux derniers livres, “Et voici la chanson” puis “Domaine des englués”, parviennent-ils à exprimer le fameux vim existendi, autrement dit, la puissance d’exister selon Spinoza ? Il faudra d’abord s’interroger sur la naissance de cette faim, en évoquant les impressions définitives laissées par l’enfance. Comment cette faim s’est développée pour avaler la matière-monde et la transformer en matière-langue. Quelle écriture-cri, rire, force, pleur, éclat, couleur de joie, a pu se produire alors. Loin de toute explication, faire entendre et voir quelques extraits de textes devrait apporter une forme de réponse.
bio-biblio
Née à Marseille, Hélène Sanguinetti passe sa jeunesse dans la fréquentation continue de la mer, de la poésie et de la peinture. Professeure de lettres et chargée de mission pour la poésie au rectorat de Nancy-Metz jusqu’en 1989, elle écrit depuis toujours mais ne se décide à montrer ses textes qu’en 1996. Elle publie, à partir de 1999, plusieurs livres de poésie, aux éditions Flammarion et chez d’autres éditeurs. Deux d’entre eux, traduction A. Cefola, sont publiés aux États-Unis : Hence this cradle, OtisBooks/Seismcity ed., 2007 (Dici, de ce berceau, Flammarion, 2003) et The Hero, Chax Press, 2019 (Le Héros, Flammarion, 2008).
Très attirée par les arts visuels et sonores, elle aime y risquer le poème. Ou le faire accompagner d’interventions plastiques ou musicales. Elle maintient aussi, entre son travail de la terre, fascination ancienne, et celui de son écriture, un dialogue primordial à l’origine sans doute du peuple et des voix dont ses livres sont parcourus. Le poème, en effet, à l’instar de la terre, est une matière. Il peut se lire comme une sorte de partition, voir et entendre y étant inséparablement liés. C’est pourquoi, l’incarner en direct en public par la voix et le corps est devenu un besoin, une vérification de son « existence ».
Livres récents
Et voici la chanson, Éditions Lurlure, 2021, réédition, (L’Amandier, « Accents graves/Accents aigus », 2012) ; Domaine des englués, suivi de six réponses à Jean-Baptiste Para, La Lettre volée, 2017
À paraître : Alparegho, Pareil-à-rien, Éditions Lurlure, janvier 2024 (L’Act Mem, 2005, rééd. L’Amandier, « Accents graves/Accents aigus 2015). Jadis, Poïena (une poème), à paraître (2024) ; Do not cross, à paraître (2024)
En compagnie :
Woda, avec Anna Baranek, Collection d’artiste, 2021
Ici, d’amour, avec Sylvie Lobato, Les Cahiers du Museur, 2021
Chants cassés qui restent, avec Jacqueline Merville, Le Vent Refuse, 2017
Anthologies :
Sprung rhythm, Monologue, 2021
Un nouveau monde, Poésie en France 1960 – 2010, I. Garron, Y. di Manno, Flammarion, 2017 ; Achter-bahn, le grand 8, une anthologie de poèmes allemands et français, Wallstein/Le Castor Astral, 2017
Entretien :
« La faim, la joie » entretien mené par Guillaume Condello, revue Catastrophes, 2020.